Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Faites comme chez moi!
4 juillet 2008

Liberté

Il y a des moments où je me demande comment j'ai réussi à m'éduquer toute seule, à l'encontre des idées de mes parents.

J'aime mes parents, c'est pas le problèmes. Mais quelquefois, ils sont capables de sortir des horreurs absolues. Surtout mon père, qui est un champion dans ce domaine.

La dernière horreur concerne la libération d'Ingrid Bétancourt. Certes, l'événement est surmédiatisé. Certes, elle semble faire "bonne figure", contrôler ses émotions et intellectualiser - voire mystifier - son expérience devant les médias.

N'empêche qu'elle a dû subir les pires ignominies pendant ses 6 années de captivité et de vie dans la jungle, et j'admire vraiment la dignité, la droiture et l'esprit dont elle fait preuve lorsqu'elle s'adresse à la presse.

La réaction de mon père, c'est qu'Ingrid Bétancourt a délibérément pris des risques en faisant campagne en Colombie, et qu'elle s'est "mise dans la merde toute seule". Par conséquent, il ne comprend pas que le gouvernement français ait tout mis en œuvre pour promouvoir et participer à sa libération et, surtout, il considère que l'accueil et l'engouement dont elle bénéficie ne sont pas justifiés. En plus, c'est le comble, elle n'a pas l'air en mauvais état… Pour lui, ça aurait sûrement été plus présentable de la revoir sur une civière.

Si l'on part du principe que c'est de sa faute si elle a été prise en otage, il n'y a aucune raison de rendre hommage aux résistants de 39-45 qui ont pris des risques pour lutter contre l'occupant. Il n'y a aucune raison d'admirer tous ceux qui osent protester contre des gouvernements totalitaires. Il n'y a aucune raison d'encourager la liberté de penser et la démocratie. Il n'y a aucune raison de lever le petit doigt pour changer quoi que ce soit.

Une sœur de mon père a vécu en Ethiopie pendant 20 ans. Elle a vécu et subit les soubresauts politiques et sociaux, les dangers d'être "européenne" dans un pays africain fragile, frappé par la famine et au bord de la guerre civile, où les conflits ethniques ont parfois frôlé la catastrophe humanitaire. C'était son choix de vivre là-bas et de ne pas rentrer en France parce qu'elle aimait profondément ce pays et ses habitants. Mais est-ce qu'il aurait fallut la laisser dans la merde si quelque chose de grave lui était arrivé ? C'est évident que ma famille n'aurait pas trouvé normal que notre gouvernement ne fasse rien pour les ressortissants français.

C'est la même chose pour Ingrid Bétancourt. Elle prônait le changement, s'était engagée dans une politique du danger où sa sécurité n'était pas totalement assurée. Elle a pris le risque d'oser et y a laissé 6 années de sa vie. 6 ans et 5 mois, comme elle l'a elle-même précisé cet après-midi. Dans ce genre de circonstance, compter n'est pas anecdotique.

Sa libération et son retour en France sont une nouvelle dont on ne peut que se réjouir. Les mauvaises langues – comme mon père – parlent sans humanité, avec un détachement émotionnel que je ne comprends pas. Les médias peuvent récupérer ce qu'ils veulent, les politiques aussi. L'essentiel, c'est qu'Ingrind Bétancourt soit retournée à la vie et qu'elle ait été rendue à sa famille. Elle a vécu l'épreuve à laquelle seules les personnes courageuses peuvent se frotter. Elle semble avoir les mots pour exprimer sa joie d'être à nouveau libre mais elle n'a pas encore prononcé ceux pour décrire son calvaire. Il est probable qu'elle le fera un jour à travers un livre. Il faudrait être avare de sentiments pour n'éprouver aucune compassion et ne pas se réjouir individuellement et collectivement de sa renaissance.

betancourtlibre

Liberté

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J'écris ton nom

Sur les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom

Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom

Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom

Sur chaque bouffées d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orages
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom

Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes raisons réunies
J'écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom

Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom

Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Paul Eluard

Publicité
Publicité
Commentaires
P
n'importe quoi et absurde, fais gaffe, hein ! <br /> <br /> Je voulais dire à la fois ce que tu dis sur la médiatisation et aussi que le sort de mes résidents m'importe plus que celui d'Ingrid. Mais ça n'empêche pas, OK...<br /> <br /> Je suis tombé sur un com qui ressemble peut-être un peu à ce que dit ton père, si c'est le cas, ça fait vraiment jus de crâne sec voire haineux et je pense qu'entendre mon père parler ainsi m'aurait peut-être fait voler au secours d'Ingrid... <br /> C'est là: http://paysanheureux.canalblog.com/archives/2008/07/03/9796851.html#comments<br /> <br /> Oliv'
E
Tu me pardonneras de faire un copié-collé du blog d'emma ;)<br /> <br /> Moi je suis très content, d'un point de vue humain c'est une souffrance qui s'achève, même je suis très agacé par la médiatisation qui en a suivi. Je ne parle même pas de la tentative de politisation de la chose, à coup de "Sarko il a rien fait", ou "en fait ils ont payé une rançon","nouvelle vidéo qui accrédite ce qui a été dit", etc.... Qu'est ce qu'on s'en fout ! Elle est libre, tant mieux pour elle et sa famille, et maintenant laissez la vivre en paix !
S
Je sais que tu n'es pas avare de sentiments, mais il ne faudrait pas non plus tomber dans la comparaison absurde. Le cas d'Ingrid Bétancourt n'a rien à voir avec le mal-logement etc. C'est désolant que l'un soit plus médiatisé que l'autre, mais se réjouir pour Bétancourt n'exclut pas de s'inquiéter de la misère en France. D'ailleurs rien que d'écrire ma phrase précédente, j'ai l'impression de tomber dans le n'importe quoi...
P
désolé, je ne m'intéresse absolument pas à Ingrid Bétancourt. J'avais pas entendu la possible torture, ni qu'elle dit avoir été attachée pendant trois ans.<br /> Mais c'est ce qu'elle dit. Cela dit, je t'ai écrit en commentaire que ton message était mesuré, équilibré, sensé: je voulais dire en ce qui concerne l'humain, tu as raison, on ne peut que se réjouir de sa libération. <br /> <br /> Atroce comédie et grandes manoeuvres: je trouve qu'elle s'exprime de manière affectée, utilise beaucoup d'artifices de communication gestuelle. Je ne ressens aucune sincérité en l'entendant. On verra bien si elle veut encore s'impliquer dans le pouvoir colombien et ses combats, maintenant qu'elle a une autre tribune, voilà. <br /> Des enfants, ce sont des enfants. Ils ne le sont plus aujourd'hui, je ne vois aucun intérêt pour leur mère à intervenir comme ils l'ont fait à côté de Sarko pour annoncer la libération, par exemple, et donc, oui, je pense qu'ils utilisent cette situation pour se montrer. Si alerter l'opinion publique avait été utile dans les libérations d'otages, ça se saurait, car je pense qu'aucune opinion publique ne soutient ce genre d'action...<br /> <br /> Quant à la médiatisation actuelle, Bétancourt pourrait la refuser, et là on est sûr que ça ne sert à rien d'autre que de faire pleurer dans les chaumières et se transformer en sainte martyre .<br /> <br /> Je trouve, moi, cruel de s'attarder autant sur le sort d'une seule femme pour tous ceux qui souffrent en silence et n'en tireront jamais aucun profit.<br /> Peut-être est-ce dû à mon boulot où je côtoie des personnes qui ont, à vie et en France, des conditions de logement et d'alimentation pourries, des conditions de travail proches de l'esclavage, qui sont en permanence parquées en marge de la société, mais Bétancourt, tant mieux si elle est libre, mais elle ne me touche pas plus que ça et j'en ai marre de voir sa gueule. <br /> <br /> C'est pas un truc d'ondes, de juste ou de cruel, c'est un truc d'analyse et d'échelle. Je me doutais que j'allais t'énerver, désolé je suis nonchalant et désinvolte avec l'académisme médiatique, et je n'ai pas fait assez attention à ton énervement préalable contre les propos de ton père, qui sûrement t'aveugle un peu.<br /> <br /> Si je résume: ton message est censé, équilibré, mesuré ET très humain. Par contre, je me contrefous de Bétancourt, et je t'interdis de dire que c'est parce que je suis avare de sentiments. C'est juste que c'est pas la télé qui va me les dicter. <br /> Suis-je moins énervant, ironique et cruel ?<br /> <br /> Oliv'
S
Je trouve ton commentaire particulièrement injuste et d'une ironie déplacée. Elle a parlé d'actes de torture (sans donner de détails, certes) et je doute qu'elle sous-entendait l'absence d'eau chaude. Elle a également été attachée en permanence pendant 3 ans, je ne considère pas ça comme un traitement humain.<br /> <br /> Quant à sa famille, tu crois vraiment que des enfants qui ont "perdu" leur mère à l'âge qu'ils avaient à l'époque cherchaient la notoriété et l'enrichissement ? Il me semble que j'aurais été prête à soulever des montagnes si j'avais été dans la même situation. Ils avaient sans doute l'avantage de ne pas faire partie d'une famille "ordinaire" ou anonyme, mais je crois sincèrement qu'on ne peut pas leur reprocher la façon dont ils ont alerté l'opinion publique (sans jamais cesser de parler des autres otages, soit dit en passant).<br /> <br /> Je ne doute pas qu'il y ait eu "de grandes manœuvres" relatives à la libération d'Ingrid Bétancourt et je ne crois pas à la théorie de la libération purement pacifique, mais je te trouve assez cruel. Je ne comprends pas bien ce que tu sous-entend par "atroce comédie". Est-ce dû au fait qu'elle arrive à s'exprimer avec détachement ? Au fait qu'elle semble physiquement "en forme" ? <br /> <br /> Enfin bref, une fois de plus nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d'ondes. J'ai conscience que la captivité (et la libération) de Bétancourt a été stigmatisée, qu'il y a des anonymes sans voix toujours entre les mains des Farc - certains depuis bien plus longtemps qu'elle - mais je suis convaincue qu'elle vient de passer 6 années de souffrance.<br /> <br /> Par ailleurs, et ça ne joue pas forcément en sa faveur, elle a la "malchance" de faire partie d'une famille favorisée, d'avoir reçu une éducation et de s'exprimer de manière très réfléchie. Mais ses origines et son parcours ne font d'elle une comédienne ou une mystificatrice pour autant...
Publicité